L’Amant de la ligne 11
Rina Novi
Maxime lui avait raconté comment il avait été séduit par Victorien, par son approche des femmes et sa sensibilité particulière à leur égard. En abordant les femmes du bout des doigts, Victorien cherchait en réalité à accoster leur âme avec la sienne, laquelle menaçait à tout instant de chavirer dès qu’il s’approchait trop près… Il lui avait parlé du long séjour en Chine qu’avait effectué son ami et du don qu’il avait pour écouter les autres, entendre les paroles qui ne pouvaient se dire, les sentiments qui ne pouvaient s’exprimer, les sensations qui ne pouvaient se taire. Il lui avait encore raconté comment le petit homme lui avait appris à entendre les frémissements de la peau lorsqu’une caresse lui arrache un son. Et comment le désir naît, et aussi comment il se meurt d’être trop vite comblé. Et les raisons pour lesquelles il lui semblait nécessaire de toujours l’effleurer sans jamais le toucher parce qu’il prétendait qu’il était fait de cendres que le moindre souffle de vent pouvait disperser…
Matin et soir, Cécile prend le métro, ligne 11. Un jour, écrasée contre la barre centrale à l’heure de pointe, elle éprouve au bout des seins une sensation délicieuse semblable à un effleurement. Puis découvre avec stupéfaction que cette sensation est provoquée par un doigt. Le doigt d’un homme dont elle se demande s’il l’a posé intentionnellement à cet endroit. Ainsi fait-elle la rencontre de l’amant silencieux, grand amoureux des femmes et de leurs seins, qui va l’initier et l’obliger, peu à peu, avec un art consommé, à abandonner ses inhibitions.
C’est au moment où l’on croit saisir l’impalpable qu’il se révèle, à l’instant précis où il nous échappe. Et pénétrer le corps des femmes, en cherchant à accoster leur âme, est sans doute l’illusion la plus tangible que peut connaître celui qui tente de percer l’énigme féminine. Un roman d’initiation, de poésie et d’érotisme