La Chienne de ma vie
Claude Duneton
Avant le dentier tout rose qu’il s’est acheté après la Libération, mon père n’avait que deux dents, bien écartées sur la mâchoire du haut, devant. Elles étaient couleur de paille… Avec les deux dents qu’il avait en bas, en vis-à-vis, on aurait dit une pince double quand il riait aux éclats. Particulièrement dans les coups très joyeux et drôles où il renversait la tête en arrière… Mais finalement c’était un air très paternel, je pense. Après tout, la chienne aussi avait des crocs jaunes qui dépassaient sous sa babine quand elle souriait. Ça faisait un air de famille, je trouvais.
Pétain. La France rurale. Le peuple vaincu. Une mère excédée. Un père, marqué par la guerre de 14, indiscipliné fondamental. Et leur fils, qui traîne toujours là où il ne faut pas. Qui n’en fait qu’à sa tête. Qui n’écoute que ce qu’il veut, pas même sa mère qui le fait grandir dans la certitude qu’il finira mal, que les Maisons de Correction ne sont pas faites pour les chiens. Avec eux, ou plutôt près d’eux, vit la chienne Rita. Bouche inutile. Bonne à rien, elle aussi. Complice du fils. Tous deux, pendant ces années rudes, mènent le même combat : éviter les coups et vivre au mieux leur vie de chien.
Des années plus tard, Claude Duneton se souvient et évoque avec émotion le pays de son dernier roman - Le Monument. Fidèle à sa Corrèze natale, l’auteur n’a pas oublié cette époque, aujourd’hui révolue, où les familles restaient toujours au village, où les gens ne se mélangeaient pas. La Chienne de ma vie est le récit poétique et nostalgique de ce monde archaïque.
Le récit poétique d’une enfance paysanne (celle de l’auteur) pendant l’Occupation. Où l’on retrouve Claude Duneton, orfèvre des mots et de leurs jeux. étant, aussi, l’histoire d’une vie de chien…