Morceaux
Roger Puyravau
Que voyons-nous ? Une jeune femme en fuite qu’un automobiliste nommé Alvar manque de renverser. Lui, est sur les traces des assassins de sa sœur. Des hommes l’ont tronçonnée devant une caméra. C’est le métier de Mareil, un trafiquant possédant plusieurs sex-shops dans lesquels il écoule les snuff movies qu’il produit à la chaîne. Les snuff movies, ce sont ces films où l’on voit les actrices torturées, violées, puis tuées. L’homme, parti de rien, possède maintenant un empire du porno qui lui sert de couverture afin de commercer, entre autres, avec un certain Sissoko. Ce dernier est un intrigant, gourou d’une secte africaine qui, lors de ses rassemblements, pousse ses adeptes à consommer de la chair humaine. Leurs intérêts sont donc complémentaires : Mareil écoule les cadavres que ses activités produisent et Sissoko se fournit en matériau humain pour alimenter ses orgies cannibales. Tandis qu’Alvar mène l’enquête, d’autres personnages s’agitent autour du pouvoir mortifère de l’image. Il en est ainsi du célèbre peintre Morgen, dont les toiles sanglantes suscitent l’éloge de la critique et participent de la fascination contemporaine pour le démantèlement.
Morceaux décompose l’envoûtement multimédiatique qui assaille tout un chacun et, via l’œil du lecteur, questionne le voyeurisme, la marchandise humaine, le désir de couper le corps des femmes en tranches et illustre le spectacle d’une civilisation obnubilée par sa propre mort. À la manière d’un objectif trop bien réglé, Roger Puyravau utilise la langue avec ironie et lucidité afin de percer l’illusion des existences téléguidées.