Solstice d’hiver est l’unique roman de Basara que l’on pourrait qualifier de roman d’amour. Quiconque connaît l'œuvre de cet auteur, sait que le binôme amour-sexualité y est généralement expédié en une ou deux phrases ironiques. Ici, cette thématique prend toute la place. Ce qui ne n’empêche pas l’auteur de dire : … je me méfie des romans d’amour. Ils sont mensonge pur ou pure horreur. Selon affinité. On ne saurait dire laquelle de ces deux options est la pire. Oui, il en va bien ainsi de l’amour. Afin de fuir notre angoisse, nous nous laissons ensorceler par l'autre pour un moment. Puis nous retombons dans l’angoisse, qui s’est entre-temps compliquée de mauvais souvenirs. Il n’est pas de haine plus répugnante qu’un amour charnel au stade de la décomposition. Or, dans cette histoire, pourtant pleine de stupre, ce stade ne sera jamais atteint car nous ne saurons pas s’il y a véritablement eu amour charnel entre Nana et le narrateur. Ce dernier dit que oui, puis qu’il ne sait plus, que peut-être, que probablement, enfin, comme entre n'importe quels frère et sœur.
Qui est donc cette Nana, cet insaisissable objet de l'amour, du roman ? Elle est une sorte de Frankenstein qui résume la fascination de Basara pour l’éternel féminin. Elle est complexe, contradictoire, multiple. Elle est belle et cruelle, une mante religieuse. Elle est lubrique, mais peut-être frigide, métaphysicienne tentée par la sainteté. Elle est vénale, meurtrière, mais aussi intelligente, créative, poétesse et essayiste de talent. La seule chose qu’elle ne saurait être, c’est le sage modèle marial.