Avec Une guerre sans fin, Bertrand Leclair élargit considérablement son registre. Reconnu comme critique littéraire et écrivain maniant une écriture d’avant-garde au lyrisme assumé, il nous propose ici son premier roman au sens « conventionnel » du terme.
Tout commence par une pièce radiophonique écrite par l’auteur et diffusée sur France Culture sur le thème de la guerre d’Algérie. Bouleversé par son premier travail d’enquête, Bertrand Leclair, qui est né en 1961 et dont le père a lui-même fait la guerre d’Algérie, a obtenu une mission Stendhal afin de se rendre dans les Aurès et en Kabylie, sur les traces des commandos de chasse, mais aussi dans le Sud algérien, au Sahara, où a explosé en 1960, en pleine guerre, la première bombe atomique française. Il y a découvert le destin tragique des irradiés de Reggane. Cette découverte ne pouvait qu’exacerber la curiosité de l’auteur pour cette époque trouble, gangrenée de non-dits, d’aveux impossibles et de mensonges qui rejaillissent sur les générations suivantes.
Ce contexte historique et ses conséquences, encore vives aujourd’hui, vont donc s’imposer comme le nœud de l’intrigue d’Une guerre sans fin. Le narrateur retrouve un vieil ami, Thierry Lavergne, et constate avec stupéfaction l’état d’épave auquel a été réduit, en moins de dix ans, celui qui fut un brillant chroniqueur pendant les années quatre-vingt-dix et l’auteur à succès d’un premier roman intitulé Il neige dans les Aurès, paru en 1998. C’est que Thierry a été brutalement rattrapé par un passé obscur et compromettant, qui implique son père, ex-militant de la SFIO. Des mois durant, il s’est fait manipuler par celui en qui il avait placé toute sa confiance et dont l’histoire avait inspiré son roman : un certain David Berthon, grande gueule abîmée dans l’alcool depuis qu’il est revenu manchot d’Algérie, en 1959. Pourquoi, quarante ans plus tard, ce David Berthon a-t-il incité Thierry à écrire sa terrible histoire ? Vengeance politique ou règlement de comptes amoureux ? Quel rapport avec les parents de Thierry ?
Une guerre sans fin est une guerre qui continue à torturer les mémoires, révélant les bas-fonds de l’âme humaine lorsqu’elle est prise dans le tourbillon de l’histoire collective. Nobles ou ignobles, ceux qui y ont pris part en porteront des séquelles jusqu’à la fin de leur vie. Des séquelles dont la génération suivante n’est certes pas indemne – et c’est bien pourquoi Une guerre sans fin est aussi, est peut-être d’abord, un roman sur la transmission, sur les pères, les fils et les secrets tragiques qui minent leur relation.