Vies croisees de Victoria Ocampo et Ernest Ansermet
Correspondance 1924-1969Jean Jacques Lagendorf
Lors de son second séjour à Buenos Aires en 1924, Ernest Ansermet, chargé pendant une saison entière d’aider à l’installation d’un orchestre symphonique, parvient à mettre sur pied un brillant programme. Victoria Ocampo, passionnée par Debussy, la littérature et la philosophie, est très impressionnée par sa qualité. Le lendemain du premier concert, elle invite Ansermet à lui rendre visite en lui faisant parvenir le premier billet d’une correspondance qui durera 44 ans ! La visite débouche sur une véritable rencontre. Ansermet est subjugué par son intelligence, son intensité, son besoin de l’essentiel. Victoria Ocampo ressent un miracle : cet homme est son frère. Il partage les mêmes besoins essentiels, il a le même goût pour la vie de l’esprit. Il aime écrire. Ansermet confie à Stravinsky sa liaison amicale et platonique avec Victoria. Leur correspondance recèle une chaleur dans l’expression, une intensité dans le besoin de sentir l’autre et une charge affective née d’une recherche passionnée de la vérité. Cette correspondance n’est pas seulement le révélateur de la vie intérieure de deux êtres, mais aussi le lieu où, d’une certaine façon, ils s’accomplissent. Victoria Ocampo mène une vie très brillante autour de sa revue Sur et son activité intellectuelle intense attire dans son orbite les grands esprits de son temps parmi lesquels Huxley, Keyserling, Maritain, Caillois, De Rougemont, Thomas Mann ou Malraux. Son ambition est de créer un pont entre son monde austral et le monde occidental. Si Ernest Ansermet peut en partager la vision, il en comprend également les enjeux. D’un autre côté, Victoria l’inspire dans ses propres combats pour la survie de son orchestre et la rédaction du livre de sa vie Les fondements de la musique dans la conscience humaine qui constitue son testament musical et philosophique.