Dans l’Odyssée d’Homère, la nymphe Calypso disparaît du récit avec le départ d’Ulysse, qu’elle a échoué à retenir. C’est à cet instant précis que s’ouvre le roman d’Anne Luthaud: Calypso, elle aussi, quitte sa maison, son village, sa vie – à quoi bon rester puisqu’Ulysse est parti? Commence alors le grand voyage, l’errance de celle qui refuse désormais les attaches, les lieux qui rassurent et enferment à la fois. Elle marche, traverse de grandes étendues, se laisse envahir par les images, se souvient aussi de sa vie avec Ulysse. Se superposent alors sa vie passée avec l’homme, à aimer et à retenir sans cesse, et ce présent fait de liberté et d’oubli.

Les images de Calypso sont le contrepoint de celles de l’autre personnage central, Simon. Le jeune homme, lui, vit entouré d’écrans, à peine sort-il de sa chambre pour s’aventurer dans un Paris qui semble bien terne en comparaison des possibles démultipliés que lui offre son univers numérique. Il y rencontre des figures virtuelles, d’autres bien réelles, il suit, traque, ici et là, tout près, à Paris, mais ailleurs aussi, les gens, les mouvements de la vie.

Les trajectoires de Calypso et de Simon finissent par se confondre, les images de l’une, bien réelles, se retrouvant dans les écrans de l’autre. Les deux figures se croisent alors, sans le savoir, au cours de leurs odyssées respectives. Jusqu’à s’effleurer en vrai, qui sait??

Anne Luthaud nous livre là une belle fable sur notre monde enseveli sous les images, celles que l’on récolte, que l’on recherche, et celles que l’on subit aussi à chaque seconde.

Un roman sur la démultiplication des images qui nous parviennent (via le réel ou les écrans), nous entourent, nous obsèdent, nous envahissent.

Un texte qui traite de questions contemporaines: et si les écrans étaient devenus notre unique fenêtre sur le monde?