J’entends la musique mais pas la mort
SOFIA ZERBIB
Un vieux maghrébin dans une banlieue parisienne décide, pendant la canicule de 2003, d’en finir et se taille les veines, sans haine, dans un cérémonial lent et apaisé. Un jeune homme quitte la prison des Baumettes, juste accueilli à la sortie par sa sœur qui aurait retrouvé la trace de leur père. Un truand raconte sa vie à une femme pour qu’elle en fasse un livre. Mais il tarde à payer le salaire de cette écriture. Elle décide alors de déchirer le manuscrit sous ses yeux. De colère, le truand la viole avec ces bouts de papier, les fourrant dans sa bouche et dans son sexe. Ramassant les débris, elle y lit des fragments de vie, qu’elle reprend et qui seront la matière du livre, de son livre. De ce livre-ci. Et dans ce livre en désordre, comme volé à l’autre, on y retrouvera sa vie à elle, fragmentée elle aussi, des instants, des moments, un homme qui vous quitte, des souvenirs d’enfance, en France, en Algérie, une visite à son père, un inconnu au jardin du Luxembourg. Puzzle jeté par terre de la vie d’une femme, il dit la solitude, la domination masculine, la difficulté du quotidien en temps de crise, la question de l’identité et la recherche du père. Mais aussi un godemiché reçu en cadeau d’anniversaire d’une amie, les rencontres canines sur le trottoir, le burlesque des entretiens aux Assedic… L’écriture est ici musicale, et ce qu’on entend à travers ces fragments, c’est bien sa musique, précise, souvent ironique, drôle, toujours dense.